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QUELLE AIDE, QUEL RECOURS POUR LES VICTIMES DE GONZALO ?

 

 

Quand les mécanismes de solidarité nationale sont inexistants, l’engagement de la responsabilité pour faute de l’Etat, un dernier espoir pour les victimes de catastrophes naturelles (de Gonzalo).

Il y a un mois jour pour jour s’ouvrait le procès Xynthia mettant en cause la responsabilité d’agents publics suite au passage de la tempête qui a ravagé l’ouest de la métropole en 2010.

Dans ce contexte, la responsabilité des pouvoirs publics est donc à prendre au sérieux, d’autant plus que la loi du 13 juillet 1982, relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles n’est applicable qu’à certaines conditions bien précises, et laisse ainsi un grand nombre de victimes désemparées face aux ravages des forces de la nature.

L’organisation d’une telle crise doit donc être rigoureusement suivie et s’inscrit dans un double processus mené sous l’autorité des pouvoirs publics qui en sont les seuls responsables.

Quatre niveaux de vigilance météorologique permettent de déterminer l’urgence de la situation et de prendre les dispositions adéquates : le niveau vert, jaune, orange ou rouge.

En l’espèce, le niveau rouge est celui qui a été enclenché par la préfecture ce lundi 13 août 2014.

Selon la circulaire interministérielle du 28 septembre 2011 relative à la procédure de vigilance et d’alerte météorologiques, il correspond à une situation d’une extrême gravité, « à un risque élevé de survenue de phénomènes extrêmes pouvant conduire à des conséquences catastrophiques » et il justifie donc la mise en place « d’un dispositif de crise avec la plus grande anticipation possible ».

La circulaire prévoit par ailleurs que « la situation rouge est de nature à justifier la mobilisation immédiate et massive de l’ensemble des acteurs et des moyens au niveau du département, particulièrement des maires ».

C’est à ce moment précis que la collectivité peut voir sa responsabilité engagée au titre de son inaction ou de son action inadaptée et insuffisante.

1. Quel est le rôle de la puissance publique dans la prévention des risques naturels ?

 

La prévention des risques entre dans le champ des pouvoirs de police administrative traditionnels du maire, ou du président de la collectivité dans le cas présent.

En ce sens, l’article L. 2212-1 du Code général des collectivités territoriales prévoit que « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs ».

L’article suivant définit la police administrative par son objet, c’est-à-dire : « assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ». L’article précise qu’elle comprend notamment : « le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ».

L’article L. 2212-4 du même code précise qu’ « en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d’urgence le représentant de l’Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites ».

Dans ce contexte, les pouvoirs du préfet et du maire entrent en concurrence. Tandis que le préfet décide, en fonction des bulletins publiés par Météo France, de mettre en garde les élus locaux, ces derniers doivent diffuser auprès de la population les consignes liées aux alertes météorologiques et, le cas échéant, organiser les secours en vue d’anticiper et gérer les éventuels risques naturels qui en résultent.

 

2. Dans quels cas la Collectivité peut engager sa responsabilité au titre de ses manquements ?

 

 

Dans un premier temps, la collectivité peut voir sa responsabilité engagée au titre du droit fondamental des citoyens d’être informé des perturbations météorologiques en cours. Ce droit ne saurait néanmoins se limiter à une seule fonction de mise en garde mais impose la diffusion de consignes de prudence.

Consacré par la loi du 27 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, ce droit à l’information impose au maire d’avertir la population avec tous les moyens dont il dispose – mobilisation du personnel communal ou de secours, haut-parleurs, téléphone – et en cas de menace grave, de déclencher le signal national d’alerte.

Or à défaut d’effectuer les diligences nécessaires, la responsabilité de la collectivité est engagée sur la base d’une faute simple quand il s’agissait de prendre une mesure de prévention à moyen ou long terme assez aisée à prendre (CE, 9 novembre 1983, Mlle Cousturier). La collectivité aurait probablement dû mettre en garde les plaisanciers du port de Gustavia afin qu’ils prennent leur disposition et se mettent à l’abri.

Dans un second temps, la collectivité peut voir sa responsabilité engagée du fait de son inaction, de son imprudence et de sa mauvaise appréciation de la situation, qui entraine un préjudice.

L’engagement de la responsabilité de la collectivité dans ce contexte de danger d’une particulière gravité est d’autant plus nécessaire qu’aucun fonds d’indemnisation des victimes d’ouragan n’intervient pour leur venir en aide et que les compagnies d’assurances, par des clauses immiscées habilement dans les contrats empêchent une couverture totale des risques, voire s’exonèrent de toute responsabilité.

A titre d’exemple certains bateaux amarrés sur le port de Gustavia et dévastés par l’ouragan ne recevront aucune indemnisation du fait de l’ancienneté du bateau ou encore du fait de l’insuffisance des points d’amarrages au moment du passage de l’ouragan.

3 La collectivité peut-elle voir sa responsabilité éxonérée ?

 

 

Par principe, lorsque la faute de la puissance publique est établie, sa responsabilité est automatiquement engagée.

Toutefois, la collectivité n’est pas tenue responsable en cas de force majeure.

En matière de tempête, le juge se base notamment sur les antécédents enregistrés sur la zone où le sinistre a eu lieu pour se déterminer.

 

A titre d’exemple, dans un arrêt en date du 31 mai 2006, le Conseil d’Etat a considéré qu’une tempête survenue dans la nuit du 19 au 20 décembre 1998 sur le port de plaisance du Driasker (MORBIHAN) et présentant des vents de 111 km/h de moyenne ne pouvait être regardée comme imprévisible ;

« eu égard au sinistre qui s’était produit six ans auparavant sur les mêmes lieux dans des conditions comparables avec des vents à dominante nord dépassant les 110 km/h »

(CE, 31 mai 2006, n°272621)

De même, dans un arrêt en date du 19 juin 1992, le Conseil d’Etat a jugé que :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que la tempête qui s’est abattue dans la nuit du 6 au 7 novembre 1982 sur la région de Palavas-les-Flots n’a pas présenté, eu égard notamment au fait que des vents d’une vitesse au moins égale y avaient été enregistrés les 29 mars 1952, 13 mars 1967 et 6 mars 1968, le caractère d’un évènement de force majeure ».

Par conséquent, au vu de ce qui précède la collectivité verra difficilement et rarement sa responsabilité écartée pour cause de force majeure.


Comment obtenir réparation du préjudice?

 

Les litiges opposant l’Administration aux administrés relèvent du juge administratif.

Ainsi les victimes d’un ouragan doivent saisir le Tribunal Administratif du lieu du dommage d’un recours de plein contentieux tendant à l’indemnisation de leur préjudice né de la carence de la collectivité. Le recours doit être présenté obligatoirement par ministère d’avocat.

Pour ce faire, elles doivent respecter le principe de la décision administrative préalable.