Les personnes physiques qui dégagent des revenus immobiliers en France métropolitaine sont imposées sur ces revenus, mais également sur tous les autres revenus (salaires, pensions de retraites, traitements, etc), et ce, au regard de l’article 4 précité du CGI.

Dès lors, se pose indéniablement la question de l’égalité entres les résidents fiscaux de Saint-Barthélemy, lorsque ces mêmes revenus subissent un régime fiscal différent en raison uniquement de leur provenance ( métropole ou Saint-Barthélemy).

C’est le cas notamment dans l’hypothèse où l’un d’eux est un fonctionnaire territorial, de la COM de Saint-Barthélemy, dont le traitement n’est, par suite, pas soumis à imposition, et où l’autre est un fonctionnaire d’Etat ( exemple : préfecture, enseignant de l’Education Nationale), et reçoit son traitement de la métropole, donc soumis à imposition.

A ce titre, on pourrait soutenir que le fonctionnaire d’Etat résident de Saint-Barthélemy ne devrait pas être soumis à l’impôt sur le revenu français pour deux raisons :

–         le lieu d’exercice de l’activité détermine en principe la source du revenu qui en est issu (en l’espèce le traitement du fonctionnaire, qui est issu d’une activité exercée à Saint-Barthélemy).

Toutefois, sur ce point, il convient de rappeler les disposition de l’article 4B, 2 du CGI, qui prévoit l’imposition des revenus des fonctionnaires français détachés à l’étranger, lorsqu’aucune imposition n’est prévue dans ledit pays :

« Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus. »

–          la loi organique qui a délégué à Saint-Barthélemy des compétences fiscales, a une autorité juridique supérieure à la loi ordinaire. Par suite, dès lors que le fonctionnaire est résident fiscal de Saint-Barthélemy, il devrait être soumis au régime fiscal de l’île.

Une décision du tribunal administratif de Montreuil[1] est venue récemment trancher cette question.

Dans l’affaire qui lui était présentée, un enseignant, qui était résident de Saint-Barthélemy, et avait donc obtenu sa résidence quinquennale, contestait le principe de l’imposition de son traitement, aux trois motifs suivants :

– étant résident de Saint-Barthélemy depuis plus de cinq ans, il n’est tenu à aucune obligation déclarative en France et ne devrait pas être imposable sur ses revenus de source française ;

– il n’est pas traité de la même manière que ses collègues professeurs vivant à Saint-Barthélemy, qui bénéficient quant à eux d’une défiscalisation ;

– s’il est imposable en France, le service doit, à minima, prendre en compte les réductions fiscales personnelles auxquelles il a droit

En réponse, l’administration lui soulevait l’article 4B2 du CGI susvisé.

La question juridique posée était donc ici celle de la territorialité de l’impôt français et son application aux fonctionnaires de l’Etat français ayant acquis leur résidence à Saint-Barthélemy.

Oui, mais quid de la hiérarchie des normes, et par suite de la supériorité de la loi organique sur la loi ordinaire ?

Aux termes de sa décision, le tribunal a rappelé le principe de la territorialité de l’impôt français, applicable aux revenus de source française, en ce compris ceux des résidents de pays tiers, tel que la Collectivité de Saint-Barthélemy.

Le tribunal a ainsi, dans un premier temps, rappelé les termes de la loi organique du 21 février 2007, codifiés aux articles LO 6213-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, et qui prévoient la délégation de compétence  en matière fiscale au bénéfice de la COM de Saint-Barthélemy :

Considérant, en premier lieu, d’une part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article LO. 6213-1 du code général des collectivités territoriales : « Les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit à Saint-Barthélemy, à l’exception de celles intervenant dans les matières qui relèvent (…) de la compétence de la collectivité en application de l’article LO. 6214-3 » ; qu’aux termes de l’article LO. 6213-4 du même code : « les lois, ordonnances et décrets intervenus avant l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 (…) dans des matières qui relèvent de la compétence des autorités de la collectivité peuvent être modifiés ou abrogés, en tant qu’ils s’appliquent à Saint-Barthélemy, par les autorités de la collectivité (…) » ; qu’en vertu du 1° du I de l’article LO. 6214-3 de ce code, la collectivité de Saint-Barthélemy fixe les règles applicables en matière d’impôts, droits et taxes, dans les conditions prévues à l’article LO. 6214-4 du même code ; (…) »

Ceci étant rappelé, le tribunal administratif  s’est référé aux dispositions de l’article 4 A du code général des impôts précitées, relatives à la territorialité de l’impôt français, et à la définition de la résidence fiscale :

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 4 A du code général des impôts : « Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus » ; et qu’aux termes de l’article 4 B du code précité : « 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus » ; ((…). Considérant, enfin, qu’il y a lieu de comprendre comme pays étranger, au sens du 2 de l’article 4 B du code général des impôts précité, les parties du territoire national dans lesquelles l’impôt sur le revenu institué par le code général des impôts n’est pas applicable ; que le champ d’application territorial dudit impôt sur le revenu ne s’étend pas à la collectivité de Saint-Barthélemy, qui est soumise à un régime fiscal particulier ; »

Le tribunal en déduit que dans la mesure où l’enseignant est un fonctionnaire considéré comme chargé d’une mission dans un pays étranger, où il n’est soumis à aucune imposition, les dispositions de l’article 4B2 du code général des impôts s’appliquent :

 « Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. P. exerce les fonctions d’enseignant titulaire au sein du collège Mireille Choisy à Saint-Barthélemy depuis l er septembre 2008 ; qu’il réside depuis plus de cinq ans à Saint-Barthélemy et n’est soumis, à ce titre, à aucun impôt personnel sur l’ensemble de ses revenus, ainsi que cela ressort de l’attestation émise le 24 février 2016 par le président de cette collectivité ; que, dès lors, en tant qu’agent de l’Etat n’étant pas soumis à un impôt personnel sur l’ensemble de ses revenus, M. P. doit être considéré, au titre de l’année 2014 en litige, comme fiscalement domicilié en France au sens du 2 de l’article 4 B du code général des impôts ; que, par suite, l’administration était fondée à l’assujettir à l’impôt sur le revenu à raison des revenus de source française perçus en 2014 ; »

Enfin, le tribunal rappelle que le fait que s’autres enseignants qui seraient dans sa situation sur l’île n’aient pas été inquiétés par l’administration fiscale, est sans incidence sur l’issue du litige :

« 7. Considérant, en second lieu, que la circonstance, à la supposer même établie, que les collègues de M. P., enseignants et travaillant à Saint-Barthélemy depuis plus de cinq ans, n’aient pas été soumis à une telle obligation fiscale au titre de leur impôt sur le revenu est sans incidence sur le bien-fondé de la demande du requérant, dès lors que la loi fiscale lui a été exactement appliquée ; 8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. P. n’est pas fondé à demander la décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2014 ; »

 

[1] Jugement du tribunal administratif de Montreuil, 28/11/2017, n° N° 1604902, consultable sur le site du tribunal administratif de Montreuil : http://montreuil.tribunal-administratif.fr/content/download/126061/1276068/version/1/file/1604902.pdf