Fin de la protection de la réserve héréditaire au plan international, permettant de déshériter ses enfants ?

 

La loi française détermine les personnes qui héritent en cas de décès, on parle alors de dévolution légale de la succession. La rédaction d’un testament permet au défunt, dans une certaine mesure de modifier cette répartition légale.

En droit français, il est cependant impossible de « déshériter » ses enfants. En effet, les descendants en ligne directe bénéficient d’une protection toute particulière appelée « réserve héréditaire » leur assurant un minimum légal de droits dans la succession de leurs parents.

Ainsi, quand bien même Monsieur Dupont rédige un testament par lequel il lègue la totalité de son patrimoine à une association caritative, par exemple, le legs ne sera effectif qu’après avoir transmis leur part de réserve à ses enfants. La réserve héréditaire est fixée à la moitié du patrimoine en présence d’un enfant, 2/3 en présence de deux enfants et 2/4 en présence de trois enfants ou plus.

Exemple : Monsieur Durand a 5 enfants et entend léguer la totalité de ses biens immobiliers et mobiliers à sa nièce dont il est très proche et qui s’est occupé de lui jusqu’aux derniers instants de sa vie. Ainsi, le notaire partagera les ¾ des biens successoraux entre les cinq enfants de Monsieur Durand et seulement le quart restant reviendra à sa nièce.

Cette réserve héréditaire est d’ordre public en France, c’est-à-dire qu’elle ne peut subir de dérogation. Le législateur français entend ainsi notamment protéger la cohésion familiale et l’égalité entre les héritiers.

Oui mais ! Cette protection est une particularité du droit français, que seuls certains pays reconnaissent (comme le Portugal ou l’Allemagne). En revanche, les pays issus de la Common-Law anglo-saxonne ne connaissent pas cette notion et il est donc possible, dans des pays comme l’Ecosse ou les Etats-Unis, de « déshériter ses enfants ».

Or, il existe aujourd’hui de nombreuses « successions internationales » qui peuvent être liquidées dans un pays autre que la France alors que le défunt et ses enfants sont de nationalité française (par exemple parce que le défunt avait son dernier domicile aux Etats-Unis ou parce qu’il a expressément choisi à titre de professio juris, dans son testament, l’application de la loi écossaise à la liquidation de sa succession).

Dans pareils cas, les praticiens et auteurs spécialistes du droit français pensaient que le juge devait écarter la loi étrangère applicable car contraire à l’ordre public français international, dès lors que la réserve héréditaire n’était pas protégée.

Or, par deux arrêts rendus le 27 septembre dernier (Cass. 1re civ., 27 sept. 2017, n° 16-17.198 et Cass. 1re civ., 27 sept. 2017, n° 16-13.151 ), la Cour de Cassation reconnait qu’une loi étrangère applicable qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français. Elle a donc, par ces deux arrêts, reconnu l’application du droit californien aux successions litigieuses et les enfants du testateur ont vu leur prétention à la réserve héréditaire rejetée.

Il est donc aujourd’hui possible, par l’application de la loi étrangère, de déshériter ses enfants.

Attention toutefois : La Cour précise que si le résultat produit par l’application de la loi étrangère s’avère « inadmissible », l’ordre public international français pourra s’appliquer et la réserve être protégée. Il ne sera donc pas possible de déshériter son enfant dans le cas où il se trouverait dans « une situation de précarité économique et de besoin ».